Le Motel Rose

(ca. 99 min., couleur)

par Yves Bernas



FADE IN:

1. INT./EXT. A1 Théâtre La Scène du Peuple - Nuit

Nous sommes à Noël 2028. Devant le Théâtre de la Scène du Peuple. Un panneau éclairé indique le titre de la pièce : RELÂCHE de Bill Bucket. Il n’y a que quelques personnes seulement devant le théâtre.

MADAME INGRID BARETT, 50 ans, élégamment vêtue d'un manteau de fourrure, monte les marches et entre dans le hall.

ROGER WIMMERSEN, 55 ans, lui aussi élégamment vêtu, monte les mêmes marches quelques secondes plus tard. Nous les suivons. Dans le hall, nous voyons un panneau : LE PÈRE NOËL EST UN VOLEUR avec une flèche, indiquant le chemin à suivre. Ingrid s'approche de la billetterie. Il y a quelques enfants qui vont ou viennent aux toilettes.

Ingrid et Roger ne se connaissent pas.

Ingrid
Un billet, s'il vous plaît, au premier rang, au milieu si possible.

Pendant ce temps, Roger la rattrape et se tient à quelques pas derrière elle, légèrement sur le côté.

Caissier
(lui tendant le billet)
12 couronnes ! Ça a déjà commencé.

Ingrid regarde le billet. Il est écrit : "Le Père Noël est un voleur".

Ingrid
Non, je veux dire un billet pour la pièce "Relâche" de Bill Bucket.

Caissier
(très grognon)
Vous ne savez pas lire ?

Roger, consterné par l'impolitesse du caissier, se rapproche. Ingrid regarde le panneau au-dessus de la lecture de la billetterie : Aujourd'hui: Relâche.

Ingrid
(agacée)
Bien sûr que je sais lire : Relâche de Bill Bucket.

Caissier
(exaspéré)
Relâche signifie: pas de représentation, la pièce Relâche de Bill Bucket n'est pas jouée ce soir. Pause, repos, nada, vacances ! Compris ?

Ingrid se tourne vers Roger, tous deux sont perplexes et soudain ils se mettent à rire, à rire tant, que le caissier ne peut s’empêcher de penser qu'ils se moquent de lui.


2. INT. A2 La voiture de Roger - Nuit

Roger est au volant de son Arrow II, un élégant oldtimer noir. Il roule dans les rues de la ville. Ingrid est assise sur le siège du passager.

Il remonte un chemin étroit jusqu'à l'entrée d'un hôtel cinq étoiles et s'arrête sous l'auvent. Le chemin n'est pas fait pour les voitures et l'auvent non plus.

Ingrid
Vous ne voulez pas me conduire à ma chambre ?

Embarrassé, Roger lui jette un coup d'œil rapide, puis repose son regard sur le tableau de bord.

Ingrid
Vous savez, il y a parfois de grands méchants dans les hôtels la nuit.

Roger regarde alors autour de lui, gêné et hésitant, aussi à cause de la voiture qu’il n’aurait pas dû conduire jusque là,.

Roger
Je n'ai pas osé vous le proposer.

Il a une secousse nerveux autour des hanches. Il coupe le moteur.

Ingrid
Eh bien M. Willemsen, avec moi, il va falloir oser, je vous préviens.

Roger
Wimmersen, Mme Barret.

Un portier de la taille d'un nain se présente, un mélange d'arrogance et de mépris sur son visage. Roger et Ingrid sortent de la voiture. Roger donne les clés au portier.


3. INT. A3 Hôtel/Hall - Nuit

Ingrid entre dans le hall, suivie de près par Roger, impressionné par le luxe.
Le RÉCEPTIONNISTE semble très intéressé par la nouvelle compagnie de Mme Ingrid Barret et les regarde de son bureau.
Elle se dirige fièrement vers la réception. Roger la suit jusqu'au bureau et reste légèrement en retrait pendant qu'elle prend ses clés.

Réceptionniste
(lui donnant la clé)
Comment était la pièce Mme Barret ?

Elle répond en se tournant vers Roger, souriante:

Ingrid
Excellente, j'ai particulièrement aimé la fin.

Ingrid prend le bras de Roger et ils montent tous deux dans l’ ascenseur sous les regards curieux du réceptionniste.



4. INT. A4 Hôtel/Devant la suite d'Ingrid - Nuit

Roger Wimmersen et Mme Ingrid Barret sont tous deux devant la suite d'Ingrid. Elle ouvre la porte et se retourne vers lui. Il enlève son chapeau. Il prend la main droite gantée d’Ingrid, l'approche de ses lèvres et imite un baiser sans toucher le gant de ses lèvres.
Elle entre dans sa chambre, jette son manteau de fourrure sur une chaise, se retourne vers Roger, toujours debout à la porte. Elle a une main derrière le dos et essaye de déboutonner son chemisier et l’autre main sur son entrejambe pour son équilibre, semble-t-il.

Ingrid
J'ai un merveilleux cadeau de Noël pour vous!

En même temps, son chemisier tombe en dévoilant ses seins fermes et nus.

Ingrid
Comment les trouvez-vous ?

Roger rougit et est confus. Puis retrouvant son calme:

Roger
Parfaits, sublimes !

Ingrid est visiblement très contente. Roger essaie de garder son calme et agit comme un notaire, un expert chargé d'évaluer la qualité d'un bien, d'une marchandise.

Roger
Merveilleux ! Merveilleux !

Il est évidemment excité sexuellement, mais il essaie de le cacher.

Roger
Bonne nuit, Madame... Je me réjouis de vous revoir !

Roger s'éloigne alors d'un pas ferme et ne se retourne que lorsqu'il a atteint le coin du couloir menant aux ascenseurs.

Roger
... ce qui, je l'espère, sera très bientôt.


5. INT. A5 Hôtel/Suite d'Ingrid - Nuit

Mme Barret est stupéfaite. Elle se regarde, en particulier ses seins, dans le miroir de la coiffeuse, sur laquelle son étalés de nombreux produits de maquillage de luxe. Elle met son manteau de fourrure. Elle se regarde à nouveau dans le miroir, ouvre son manteau, se caresse les seins. L'expression de son visage est un mélange de tristesse et d'auto-érotisme.

Elle s'approche du miroir et s'embrasse dans le miroir, laissant son empreinte de rouge à lèvres rouge sur celui-ci. Elle glisse ensuite un doigt sur les rides de son visage, comme pour essayer de les effacer par une légère pression.

Elle éclate en sanglots et s'affaisse sur son lit, en pleurant silencieusement.


6. EXT. A6 Dans la décapotable d'Ingrid - Jour

C’est l’été, il fait soleil. Roger et Ingrid roulent dans la décapotable d'Ingrid sur une route le long de la plage. Elle porte un foulard blanc dans les cheveux et des lunettes de soleil. Elle est au volant. Ils rient.


7. EXT. A7 À la plage - Jour

Ils courent dans l'eau et s'éclaboussent les uns les autres. Le même rire.


8. EXT. A8 Dans la décapotable d'Ingrid - Jour

Cette fois, c’est Roger qui porte le foulard blanc dans ses cheveux et les lunettes de soleil d’Ingrid et est au volant. Ils rient.


9. EXT. A9 Devant l'hôtel de ville - Jour

Le couple de jeunes mariés, Roger et Ingrid, se tient sur des marches devant l'hôtel de ville, entouré d’amis et parents pour une photo. Ils rient de la même façon. La photo est prise.



10. INT. A10 Villa Mortlake/Séjour - Jour

UN AN PLUS TARD dans VILLA MORTLAKE où Ingrid et Roger ont emménagé.
FONDU ENCHAINÉ sur la photo qui a été prise lors du mariage, qui se trouve sur une étagère dans le séjour.
TRAVELLING ARRIÈRE: Roger est assis dans un fauteuil en cuir, face à la cheminée, et mange du chocolat, un livre sur les genoux.
Les plafonds sont hauts, la décoration est baroque, de grandes fenêtres, de grands rideaux rouges.
Prés de l'entrée, une chaise longue (Récamier). Ingrid entre par l'entrée principale et jette son vison sur la chaise longue.

Ingrid
Il va falloir aller aux pièces de rechange, mon cher, en remplacer une qui ne fonctionne plus très bien !

Roger est inquiet et perplexe, il pense qu'elle parle de la voiture.

Roger
Mais tu es allé en ville en taxi !

Ingrid
(irritée)
Je ne parle pas de la voiture.

Elle sourit mystérieusement.

Ingrid (CONT’D)
Je parle de ma machine !

Roger
Tes seins, ma chérie ?

Ingrid ne répond pas tout de suite.

Ingrid
Chaud Roger, chaud!

Roger
Les ovaires ?

Ingrid
(riant)
Pourquoi diable aurais-je besoin d'ovaires à mon âge ? As-tu des projets, Roger ? Dans ce cas, tu devrais en chercher une plus jeune !

Ingrid rit jaune. Les yeux de Roger se mouillent.

Ingrid
Non Roger, le coeur, j'ai besoin d'un nouveau coeur !

Roger se fige.

Ingrid
Ne t'inquiète pas, je connais déjà le donneur.

Roger frissonne.

Roger
Pourquoi, il est toujours en vie ?

Ingrid s’approche de lui et le regarde droit dans les yeux sans répondre.



11. INT. A11 La voiture de Roger - Jour

Roger est au volant. Ingrid est assise sur le siège du passager. Ils conduisent sur une route sinueuse qui surplombe la mer. Ingrid regarde constamment par la fenêtre, tournée vers elle. Roger n'aime pas ça. Il a l'air soupçonneux.

Ingrid - Ne t'inquiète pas, ce cœur est propre, blanc, il ne vient pas du marché noir. Il est à moi depuis longtemps. J’en fais la culture depuis vingt ans.

Ingrid éclate d’un rire inconnu à Roger. Celui-ci est perplexe.

Roger
Tu veux dire que tu as un coeur créé à base de tes cellules souches ? Cette technique est déjà au point ?

Ingrid
(souriant mystérieusement)
Oui, en quelque sorte.

Roger
Tu veux dire que tu as payé plus d'un million de couronnes pour quelque chose que tu aurais pu obtenir sur le marché noir pour quelques milliers de couronnes ?

Elle ne répond pas. Son expression est évasive, comme si elle voulait dire : qui sait ?
L'humeur de Roger change complètement. Il devient tout enthousiaste et jovial, il freine, range la voiture sur le bas-côté, se précipite sur elle, lui prend les mains et les embrasse, puis l’embrasse sur la bouche et les deux joues.

Roger
(bégayant)
Pardonne-moi ! Comment ai-je pu pensé une chose pareille ?

La tête de Roger repose maintenant sur les genoux d’Ingrid. Elle a les mains dans les cheveux de Roger. Son expression est un mélange d'exaspération et de condescendance. Elle regarde devant elle et devient soudain sérieuse.
PLUS TARD : Ils roulent à nouveau, sur la même route. Roger chantonne. Ingrid est agacée, mais elle s’efforce de sourire.
PLUS TARD : Ils arrivent à la CLINIQUE TRANSGÉNIQUE DE BRAUNFELS.



12. EXT. A12 Clinique de Braunfels/Parking - Jour

Ils sortent de la voiture et marchent jusqu'à l'entrée principale.



13. INT. A13 Clinique de Braunfels/Entrée - Jour

De jolies jeunes HÔTESSES au sourire éclatant et aux dents blanchies, toutes vêtues de blanc, pantalon, veste, chemise, chaussures, chaussettes tous, blancs, sont debout derrière leur bureau. Le hall est également tout blanc, murs blancs, les dalles du sol sont blanches aussi. Près de l’entrée, il y a des cabines fermées par des rideaux blancs.
Au milieu de la salle, il y a un buste d'ERNST-HEINRICH SWEED. Sur l'un des murs, il y a aussi une grande photo d'Ernst-Heinrich. À côté du buste et de la photo, il y a un texte d'accompagnement :

Docteur Ernst Heinrich Sweed, 1971-2027, Pionnier de la biologie génétique, notamment de la culture d’organes humains et du clonage. Fondateur de la Clinique transgénique de Braunfels et de l'Institut de recherche transgénique de Braunfels.

Remarquant l’arrivée d'Ingrid, les deux hôtesses sortent de derrière leur bureau et s'approchent gracieusement pour la saluer.

Première hôtesse
(lui tendant la main)
Ravie de vous revoir, Dr Sweed. Le Dr. Kaplan vient vous chercher immédiatement.

Ingrid
(irritée)
Mme Barret, hum... Dr Barret.

Première hôtesse
Bien sûr, Mme Barret, toujours aussi attachée à feu votre si exceptionnel mari!

Ingrid la tue du regard. On entend des pas.

Ingrid
(avec un faux sourire)
Bien sûr...

Le Dr Kaplan arrive.

Dr Kaplan
Mme Sweed, quel plaisir ! Quelle santé, vous avez l'air si jeune.

Il lui prend la main, fait semblant de l'embrasser et la pose sur son cœur.

Dr Kaplan (CONT’D)
Au prix de me répéter, je ne peux m'empêcher de penser que vous avez rajeuni depuis la mort de... euh... (se tournant vers Roger) depuis que vous connaissez Monsieur...

Roger
Wimmersen, Roger Wimmersen !

Kaplan glousse, son regard toujours fixé sur Roger.

Dr Kaplan
Wimmersen. Qu'est-ce qu'elles ne feraient pas pour rajeunir !

Réalisant qu'il vient de faire une bêtise, le Dr Kaplan redevient sérieux.

Dr Kaplan (CONT’D)
Médicalement parlant, bien sûr.
(Se tournant vers Mme Barret) M. Wimmersen est-il au courant de...

Ingrid
Certainement, M. Wimmersen sait qu'à la Clinique Transgénique, on pratique la culture d'organes humains !

Dr Kaplan
La culture d'organes humains ? Excellent !

Le Dr Kaplan éclate d'un grand rire gras. Il leur montre le chemin d'un geste de la main.

Dr Kaplan
Je vous en prie !


14. INT. A14 Clinique de Braunfels/Couloirs - Jour

Mme Barret, Roger et le Dr Kaplan quittent le hall d'entrée et se dirigent vers un couloir.

Dr Kaplan (CONT’D)
Toujours autant d'humour, Mme Barret.

Un lit autoguidé, avec un corps recouvert d'une bâche grise, s'approche. Roger s’arrête pour le laisser passer et se raidit. Ils continuent à marcher.
Ils arrivent à un sas de haute sécurité. Le Dr Kaplan glisse son badge dans un lecteur et les portes s'ouvrent. Ils poursuivent leur chemin. Les murs du couloir ont fait place à de grandes fenêtres, derrière lesquelles un liquide légèrement rosâtre appelé Vitax® remplit l'espace jusqu'à mi-hauteur, comme dans une piscine ou un aquarium. Ils franchissent un portail sans porte, au-dessus duquel se trouve un panneau portant le mot KERN. Ils continuent à marcher.

Soudain, on voit un corps entier allongé derrière la fenêtre, reposant sur un lit, immergé dans ce liquide rose Vitax® jusqu'au menton. Roger est tendu. La poitrine du corps se déplace régulièrement de haut en bas au rythme de sa respiration. Ils continuent leur marche et passent un autre corps immergé dans du Vitax® et qui repose sur un lit.

Ils passent un panneau signalétique sur lequel est écrit : FIN DE LA ZONE DE REPOS PRÉOPÉRATOIRE. Roger exprime un soulagement (ses peurs sont caduques: ces corps n’étaient que ceux de patients). Il trébuche et s'accroche à la main d'Ingrid, la regardant avec une sorte d'admiration. Ils marchent encore 30 mètres.

Ils s'arrêtent devant le box 58. Le Dr Kaplan glisse à nouveau son badge dans un lecteur, la porte s'ouvre. Le Dr Kaplan et Ingrid entrent, suivis de Roger.


15. INT. A15 Clinique de Braunfels/Box 58 - Jour

À l'intérieur se trouve une jeune femme nue. Son pubis est couvert d'un trèfle à quatre feuilles. Elle est immergée dans du Vitax® jusqu'aux seins, elle respire à un rythme régulier, même si elle semble être allongée sur une surface de soutien qui fait office de lit, elle ne repose pas dessus, elle flotte.
Elle respire. Ses mains sont jointes sur sa poitrine comme si elle priait. Elle ressemble exactement à Ingrid, mais elle est beaucoup plus jeune. Sa peau est parfaitement lisse et blanche comme du lait, ses lèvres sont voluptueuses et semblent exprimer toute la force de l'amour. Elle est allongée comme la belle au bois dormant, attendant le baiser censé la réveiller du sommeil éternel. Le cou de Roger s’avance, sa colonne vertébrale se courbe, pendant un instant il se prend pour le Prince. Quelle merveille ! Ses yeux restent collés aux siens.

Ingrid
Je suis belle, n'est-ce pas ?

Cette question rend Roger perplexe. Ingrid s'avance vers son clone, elle prend sa main droite, la gauche tombe dans le Vitax®, éclaboussant le manteau blanc du docteur Kaplan de grosses gouttes roses. Elle approche ses lèvres du front du clone et l'embrasse longuement.

Ingrid
Tu es la créature la plus merveilleuse qui soit. Tu incarnes l'essence de la beauté, de la féminité, tous les hommes sont à tes pieds depuis toujours et pour toujours. Tu es mon seul et unique amour !

Ingrid se redresse et puis, comme un oiseau rapace, elle plonge sur sa proie, collant ses lèvres ardentes à celles de la femme couchée, dans un long gémissement. Le docteur Kaplan prend joyeusement le pouls du clone, indifférent à toute cette émotivité.

Il se rend ensuite à l'autre lit sur lequel repose une troisième Ingrid, identique à la précédente. C'en est trop pour Roger. Il regarde Ingrid avec reproche.

Ingrid
Ne t'inquiète pas, ils n'ont pas de cerveau.

Roger est horrifié.

Ingrid
(d’une voix rassurante)
Ils n'ont jamais eu de cerveau. Seul l'hypothalamus a été formé, pour assurer toutes les fonctions vitales couvertes par les systèmes nerveux sympathique et parasympathique. Ils ont de la matière cérébrale, mais elle n'a pas été formée en cerveau. L'expression des gènes EMX2 et PAX6 a été modifiée et finalement inhibée. Ce ne sont pas des êtres humains, même s'ils leur ressemblent.

Un des clones soupire.

Dr Kaplan - Ça aussi, c’est l'œuvre du parasympathique. C'est la régulation du niveau d'oxygène, plus précisément la vidange des cellules du dioxyde du carbone résiduel, ce ne sont pas des émotions M. Wimmersen.

Roger est soulagé.

Dr Kaplan (CONT’D)
Et quand on sait que les premiers clones avaient un cerveau, comme ils ont dû souffrir les pauvres chéris, jusqu'à ce que le professeur Sweed trouve enfin un moyen d'inhiber sa formation !

Roger n'écoute plus. Le Dr Kaplan se tourne maintenant vers Mme Barret.

Dr Kaplan (CONT’D)
Au fait, comment va-t-elle ?

Mme Barret le regarde fixement. Kaplan se tait immédiatement, regrettant ses paroles.

Ingrid
Ça suffit Kaplan, je ne vous paie pas deux millions de couronnes pour raconter à mon nouveau mari les escapades de mon défunt mari !

Dr Kaplan
(lentement et comme un idiot)
Ah, les escapades de votre défunt mari !

Il regarde les seins d'un des clones allongés et Ingrid lui donne une gifle. Il tombe alors à genoux devant Ingrid et lui saisit les mains.

Dr Kaplan
Pardonnez-moi, Mme Sweed, je ne sais pas ce que je dis.

Ingrid le regarde un moment.

Ingrid
C'est à moi de m'excuser, je n'aurais pas dû, levez-vous, docteur, je suis vraiment désolée !

Dr Kaplan
Non, non ! Mme Sweed, c'est de ma faute, je suis tellement stupide parfois, allons-y !

Ils partent, bras dessus bras dessous, comme de vieux amis. Roger les suit.


16. EXT. A16 Cimetière - Jour

Le Dr Kaplan marche (GROS PLAN). Le champ s'élargit (PLAN MOYEN): il porte des fleurs. Le champ s'élargit encore (PLAN D’ENSEMBLE): Il marche dans un cimetière. Il s'approche d'une tombe et s'agenouille. Il dépose les fleurs sur l'herbe devant la tombe. Tout cela est filmé avec la caméra à l'emplacement de la tombe. Ensuite, on montre la tombe :

Notre fils bien-aimé : Samuel Kaplan, 21 09 2018 - 2 08 2026 pour toujours dans notre cœur.



17. INT. A17 Chambre d'hôtel prés de la clinique - Nuit

Ils mangent à table à la fenêtre, dans leur chambre. La chaine stéréo joue de la musique. Dehors, l'herbe verte s'étend jusqu'aux falaises au-dessus de la mer. Le feu crépite dans la cheminée. L'opération d'Ingrid est prévue pour demain. Ils viennent de terminer le dîner. Il n'y a qu'un seul verre de vin pour Roger. Ingrid a un air sérieux. Roger lui prend la main.

Roger
Ne t'inquiète pas, chérie. Les statistiques pour ce type d'opération sont très bonnes. Il y a moins de cinq pour cent d'échec.

Ingrid
Cinq pour cent, mais c'est énorme. Ils ont dit qu'il y avait quinze pour cent de chances pour qu'il pleuve aujourd'hui et qu’est-ce qui s’est passé ? Il a plu toute la journée.

Elle retire sa main de la sienne.


Ingrid (CONT’D)
Je ne crois pas aux statistiques, Roger. Je ne suis pas un homme.

Ingrid prend le verre de vin rouge de Roger et le boit.

Roger
Tu ne dois pas boire d'alcool... ni fumer avant l'opération.

Elle se verse un autre verre. Elle se lève et se dirige vers la cheminée. Roger surveille ses mains.

Roger
(hésitant)
et cette personne, dont le docteur Kaplan...

Ingrid
(l'interrompant)
c'est la créature de Heinrich. Elle est moi, mon double, mon sosie. C'est un clone Roger ! C'est le premier clone de ma personne qui a survécu. Heinrich ne savait pas quoi en faire. Il l'a caché, d'abord à la clinique, puis l'a donné à des parents adoptifs. C'était notre fille, tu sais, celle que nous voulions, mais que nous n’avons jamais pu avoir.

Roger
Oh, je ne savais pas. Pourquoi ne l'avez-vous pas adoptée ?

Ingrid
Ne fais pas l’idiot ! Le clonage était déjà illégal. Heinrich était simplement animé par sa passion scientifique. C'était avant qu'il ne découvre comment empêcher le développement du cerveau.

Ingrid prend un paquet de cigarettes dans son sac. Elle en allume une et s'assied devant la cheminée, hypnotisée par les flammes. Au bout d'un moment, elle se lève et se met à danser les yeux fermés, au rythme de la musique, la poitrine en avant, calme et fière. Roger l'admire...




FADE OUT